Louis-Jean Calvet
On parle beaucoup en France aujourd´hui du phénomène des "bandes", bandes de jeunes ou de moins jeunes qui, dans les bainlieues et surtour les banlieues parisiennes, se livreraient à diverses exactions. Le ministèr français de l´Intérieur en a recensé 222 ; eles seraient composées de "2500 membres permanents et 2500 occasionnels", de "53 % de majeurs et 43 % de mineurs" (je sais, en bonne mathématique, il en manque 4 % espéce hybride sans doute, ni majeure ni mineure) et le gouvernement annonce que "l´appartenance à une bande" va devenir un délit. Mais qu´est-ce donc qu´une bande?
Les Bonnes Bandes sous les Drapeaux
Emprunté à l´italien banda par le biais de l´ancien provençal, et venant d´un terme germanique, bandwa, désignant une banière, le mot a d´abord désigné un ensemble de personnes réunies sous un même "drapeau" et dirigées par un même chef, c´est-à-dire en fait un corps de troupe. Bande a ainsi la même étymologie que l´espagnol bandera ou l´italien bandiera qui tous deux signifient "drapeau", et avait donc à l´origine un sens tout à fait honorable, sauf bien sûr si l´on n´aime pas l´armée. Puis le sens du mot s´est élargie et a désigné un groupe quelconque de personnes, que leur but soit ou non coupable. Il est donc à l´origine aussi bien synonyme de clique ou de coterie que de clan ou de gang, mais son sens premier de groupe se retrouve en créole réunionnais dans bann, qui est tout simplement une marque de pluriel (bann kreol par exemple signifie "les créoles""). Et l´on en trouve encore la trace dans des expressions comme "bande d´imbéciles", "bande d´ivrognes", "belle/sacrée bande de voyous", pour désigner un groupe qui n´a plus ni drapeau ni chef mais constitue, comme le bann créole, une marque de pluriel. Disons qu´une bande, c´est plus de deux personnes. Et si le chanteur Renaud chantait naguère "je suis une bande de jeune à moi tout seul" Georges Brassens était pour sa part plus proche du sens originel du mot lorsqu´il chantait : "Quand on est plus de deux, on est une bande de cons"...
En Route, Mauvaise Troupe !
Mais laissons de côté la chanson. Le mot bande est en effet aujourd´hui devenu nettement péjoratif et fait parfois peur. C´est pourquoi si l´on parlait, il y a encore une dizaine d´années, de la "bande à Léo" (Léotard) ou de la "bande à Jospin" , à propos d´hommes politques et de leurs amis, on parlerait plutôt aujourd´hui du "clan Sarkozy" ou du "clan Aubry", avec le même sens. L´ennui est que clan a connu la même dérive sémantique. Issu de l´irlandais clann ("descendents"), il désigne maintenant les mafieux, sens qu´illustre parfaitement le titre d´un film célèbre "Le Clan des Siciliens". Exit donc clan, qui marque désormais aussi mal que bande.
Reste gang, emprunté pour sa part à l´anglais et qui signfie d´abord une "équipe" avant de prendre lui aussi un sens négatif, de renvoyer au milieu et de donner naissance au mot gangster. On peut trouver curieuse cette façon dont les mots qui désignent un groupe en viennent tous peu à peu à avoir un sens négatif, de renvoyer au milieu et de donner naissance au mot gangster. On peut trouver curieuse cette façon dont les mots qui désignent un groupe en viennent tous peu à peu à avoir un sens péjoratif et à nous ramener au milieu, aux gangsters, aux casseurs, aux voyous, aux truands, bref à tout ce qui est plus ou moins hors la loi. Comme s´il était impossible d´être en groupe sans être soupçonnable de mauvaises intentions, de sombres desseins.
La bande et ses différents synonymes ont donc mauvaise réputation. On peut dès lors se demander si cette évolution sémantique du groupe vers le "délit d´association" plus ou moins factieuse n´est pas le signe d´une certaine vision sociale, comme si seul l´individu était acceptable, comme s´il devenait dangereux en groupe. Et il faut alors souligner la situation la situation un peu divergente des Québecois : une gang est pour eux un groupe, un groupe de copains, et ma gang (ou gagne) - oui, le mot anglais est masculin en français de France, féminin en français québecois - ne renvoie pas nécessairement à une équipe de bandits prêts à volus faire la peau au coin de la rue. Mais peut-être est-ce parce que les francophones du Nord de l´Amérique se sentent comme un tout petit groupe face à l´immense domination des anglophones et que le groupe ou la gang s´en trouvent valorisés.
Le Français dans le Monde é publicada pela Fédération Internationale des Professeurs de Français e CLE International.
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