segunda-feira, 5 de outubro de 2009

Modifier les Habitudes du Spectateur

Bilguissa Diallo

À l´heure du multimédia, de la culture du zapping et du cinéma, les aficionados du théâtre contemporain seraient, dans l´imaginaire populaire, plutôt des habitants de grandes villes formant une élite intellectuelle seule à même de comprendre ces formes d´expression théâtrales.

Il est vrai que le rapport des metteurs en scène au grand public s´est compliqué : le spectateur n´est plus consideré comme un simple réceptacle des messages de l´auteur. On cherche à provoquer en lui des réaction plus émotionnelles et viscérales que strictement intellectuelles et à l´entrainer parfois dans un univers atypique et déroutant. Cela dit, qu´entend-on exactement par théâtre contemporain ?

Ce concept assez vague dont on ne trouve aucune définition précise est explicité par Thomas Hunkeler, professeur de littérature à l´université de Fribourg, en Suisse : un théâtre est perçu comme contemporain "parce qui´il modifie les habitudes du spectateur".

Un Théâtre Imprévisible

Les pièces contemporaines ont une structure qui n´obéit pas aux codes du théâtre classique ou des drames bourgeois et vaudevilles des XIXe et XXe siècles. Depuis l´après-guerre, sous l´impulsion de théoriciens et de metteurs en scène avant-gardistes, l´idée même que l´on se faisait du théâtre a volé en éclat. On abandone le concept de quatrième mur qui faisait du spectateur en oeil invisible assistant une scène. Le public, certes indispensable mais passif de la représentation théâtrale. Le naturalisme apparait souvent comme obsoléte, nul n´est besoin de singer la réalité dans les décors, on se contente désormais de suggérer, par des symboles épurés. L´expression et la posture corporelle prennent une importance presque aussi capitale que le texte. Les représentations contemporaines sont parfois pluridisciplinaires, intégrant de la danse, de la musique, de la vidéo, voire du cirque. C´est également un théâtre qui traite d´enjeux sociaux contemporaines, ou d´enjeaux humains universels sous un angle contemporain.

En France, cette évolution s´amorce dans les années 1930, avec des auteurs et des metteurs en scène comme Antonin Artaud, qui prône la simulation physique du public par le son, le mouvement, le bruit ou les couleurs. Il affirme la primauté du metteur en scène sur l´auteur et souhaite désacraliser le texte littéral au profit du sens général et de l´aspect incantatoire des mots. Bertolt Brecht, dramaturge allemand, a quant à lui initié un théâtre plus didactique dans lequel le spectateur est directament interpellé au moyen de panneaux lumineux ou de procédés de narration qui lui sont adressés : il s´agit du principe de distanciation. L´acteur invite à la réflexion et au regard critique plus qu´il n´incarne un rôle.

Eugène Ionesco et Samuel Beckett ont conforté dans les années 1950 ces nouvelles conceptions du théâtre en devenant les chefs de file du théâtre de l´absurde. Ils mêlaient le burlesque au dramatique, jusque dans la déstructuration du langage utilisé dans leurs pièces, afin de souligner l´insignifiance de la condition humaine.

Depuis cette période, le metteur en scène a pris une importance similaire à celle de l´auteur. L´écriture scénique est devenue l´élément distinctif majeur d´un spectacle, faisant du texte une simple composante de la pièce, au même titre que les chorégraphies et les décors...

Les Risques de la Création Contemporaine

"Les spectateurs qui s´intéressent au théâtre contemporain ne craignet pas de s´exposer et recherchent autre chose que la distraction et socialisation", explique T. Hunkeler. Bon nombre de ces spectateurs ont un certain âge, alors même que les formes artistiques nouvelles incluses dans ce type de théâtre, telles que la danse ou la vidéo, sont associées à la jeunesse. Et lorsque ces spectateurs sont jeunes, il s´agit bien souvent de pratiquants de théâtre.

Ce sont surtout les théâtres publics subventionnés - coexistant en France, en Allemagne ou en Suisse avec des scènes privées - qui proposent des pièces contemporaines à un public curieux, vairé et qui ne craint pas de se mettre "en danger" avec des oeuvres dont l´objectif est spécifiquement de l´interpeller. La liberté financière que donnent les subventions permet une offre contemporaine plus audaciuese, parce que la pérennité de ces théâtres publics n´est pas directement et uniquement liée à la fréquentation. Ils fonctionnent également grâce à un système d´abonnement à la saison, misant donc sur la fidelité des spectateurs, même si le nombre d´abonnements en Europe a tendance à baisser.

Place aux Petites Troupes

En revanche, les théâtres privés sont directement tributaires du succés fiancier des pièces qu´ils proposent au public. Aussi les producteurs qui les gèrent cèdent-ils plus facilement aux exigences d´un public qui cherche plutôt à se distraire ou à consolider son fonds culturel classique. On y représente donc majoritairemente des oeuvres classiques, ou des comédies modernes mettant en scène des têtes d´affiche, afin d´attirer un public bourgeois citadin qui se rend au théâtre par pratique socio-culturelle. L´offre théâtrale américaine illustre parfaitement cette problématique du théâtre privé. Aux États-Unis, le théâtre subventionné n´existe pas. Ainsi les seuls endroits où l´on assiste à des représentations de théâtre contemporain sont les universités. La machine de Broadway privilégie les têtes d´affiches à l´image de P. Diddy, star du hip-hop s´étant illustré dans une piéce classique du répertoire afro-américain (Raisin in the Sun).

Les petites troupes théâtrales qui se produisent dans des lieux modestes ont également la liberté d´incluire à leur répertoire des oeuvres contemporaines avec une mise en scène épurée et des moyens modestes, parce qu´elle ne sont pas liées par de forts investissements à rembourser.

Peut-être sommes-nous aujourd´hui à une époque charnière où les pratiques théâtrales contemporaines sont défendues au quotidien par des institutions publiques qui devront trouver un modèle économique leur permettant d´affronter la mutation de nos habitudes culturelles.

Fonte: Le Français dans le Monde, 364, julho-agosto, páginas 46-47

Place au Public - Les Spectateurs du Théâtre Contemporain
Thomas Hunkeler
Mimesis
R$ 99,00

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