quarta-feira, 24 de fevereiro de 2010

Pia Petersen: Vertigem e Errância

A romancista Pia Petersen é, como a anglo-canadense Gabrielle Roy e a chinesa Shan Sa, uma daquelas autoras nascidas fora da Francofônia que fizeram da língua de Mallarmé, o refúgio seguro de sua expressão artística. Alain Mabanckou, em seu blog, resenha com muito entusiasmo a mais nova produção literária dessa talentosa dinamarquesa, cujos romances fazem parte do catálogo da prestigiosa Actes Sud. Segundo Mabanckou, "Une livre de Chair", é o "roman de la 'déchéance', de la grandeur et de la décadence du Français Romain qui, au crépuscule de sa chute, revoit ses instants de gloire, ses errances dans les villes américaines (...), les pailletes, les rencontres feminines, l´aisance que procurait l´argent...". Confira em Le Livre Messager o texto de Mabanckou sobre Pia Petersen.

Alain Mabanckou

Depuis quelques années je ne cesse de signaler la singularité de l’écriture de Pia Petersen, écrivaine d’origine danoise qui écrit en français. Plusieurs de ses livres ont été publiés, dont Une fenêtre au hasard et Iouri aux Editions Actes Sud. Son écriture serrée et nerveuse réhabilite le roman psychologique. Pia Petersen a su éviter les écueils du roman nombriliste. Même en se lançant dans une autofiction, elle sait s’ouvrir au monde, déplacer la géographie du récit et planter les décors d’un univers où l’Autre est plus que présent. C’est le cas de son dernier roman qui vient de sortir, Une livre de chair (Actes Sud). Roman de la « déchéance », de la grandeur et de la décadence du Français Romain qui, au crépuscule de sa chute, revoit ses instants de gloire, ses errances dans les villes américaines (New York, Los Angeles…), les paillettes, les rencontres féminines, l'aisance que procurait l'argent... C’est d’ailleurs à New York, quelques années plus tard, autour d’une partie de poker, que se retrouvent Romain et sa « bande ».

Tous les personnages ont en commun les fêlures de l’existence. Ils savent ce qu’est la ruine et la "métaphysique de l'argent". Et s’ils ne le savent pas, ils ne sont pas loin de subir la lame de la crise économique. Romain, frappé d'une crise cardiaque dans un canapé, revisite les sentes de son existence et ne quitte pas des yeux sa bande qu'il scrute avec la patience d'un entomologiste. Le groupe est surpris par l’arrivée de trois gangsters. Une question de dette, de gros sous. Et dans ce milieu de la pègre on sait comment se règlent les conflits. Nous sommes dans un huis clos saisissant et glacé où le piège se referme sur les personnages entre fumée de cigarette et odeur d’alcool. L'écriture de Pia nous serre la gorge et l'estomac. Les mots deviennent des étincelles. Ils se répètent souvent, se heurtent sans cesse, donnent en permanence au lecteur le sentiment qu'à tout instant le monde va s'écrouler et que tout partira de ce canapé dans lequel Romain se tord de douleurs. Des images très cinématographiques…

Une partie de ce livre a été écrite chez moi, à Los Angeles. J’avais alors reçu Pia qui a résidé en Californie pendant une semaine. Nous visitions les villes californiennes : Venice, Beverly Hills, Hollywood, le centre de Los Angeles ou encore Malibu. J’ai invité Pia à assister à l’un de mes cours à l’Université de Californie-Los Angeles (UCLA). J’étais alors loin d’imaginer que mon ombre traverserait les pages d’Une livre de chair. Pia ne m’avait rien dit. Et j’ai découvert ces lignes :

« Une nuit, à Venice, il avait rencontré un écrivain français qui travaillait à l’université comme professeur de littératures francophones. Il s’appelait Alain Mabanckou. Il disait qu’un écrivain devait se pencher sur la mondialisation et il avait invité Romain à venir écouter l’un de ses cours. Romain le croisait souvent dans les boîtes de nuit de Venice. Alain portait toujours une casquette et des chaussures de luxe. Alain aussi aimait traîner la nuit, traverser la ville, rôder dans les bars et les boîtes. Il disait qu’il pistait sa matière de travail, des personnages qui émergeaient, des ambiances qui se détachaient et des bouts de dialogues parfois très imagés […] Il avait une tête de gangster, c’est ce que s’était dit Romain en le voyant, mais c’était un écrivain et ils discutaient littérature en buvant un verre. Romain l’avait invité à des soirées mais Alain avait refusé. Il pistait ses sujets, mais il aimait la solitude, c’était une grande gueule qui n’avait jamais peur d’aller sur le front et secouer les idées reçues mais il était aussi réservé et timide… »


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