Claire Richard
Qui a écrit en 1953 : «Staline est mort, mais tout autour parle de lui. La mémoire de Staline, ce n'est pas seulement la tristesse du peuple, c'est aussi une inébranlable détermination qui marque tous les visages, la détermination de protéger l'œuvre grandiose de Staline de toutes les atteintes ; c'est également l'unité indestructible du peuple soviétique qui s'est encore raffermie durant ces jours de malheur »?
Maurice Thorez ? L'Aragon des grands jours ? L'envoyé spécial de « L'Huma» en collaboration avec la Pravda ? Vous n'y êtes pas. C'est Aimé Césaire. Ce texte est paru en russe à l'occasion de la mort du « petit père des peuples». On ne sait pas s'il a été réécrit par les petites mains du Parti (dont on croit pourtant reconnaître l'inimitable griffe).
L'éditeur David Alliot, spécialiste de Césaire et de Céline, auquel on doit déjà le fac-similé du tapuscrit du Cahier d'un retour au pays natal, republie sept textes de la période communiste d'Aimé Césaire. Le farouche anticolonialiste, député de la Martinique, a été pendant quelques années membre du Parti communiste. Il le quitte en 1956, après le rapport Khrouchtchev, écœuré par ce que le régime stalinien a accompli : « La piteuse merveille de transformer en cauchemar ce que l'humanité a pendant longtemps caressé comme un rêve : le Socialisme. »
Des textes écrits durant cette période et directement liés à son engagement, Césaire ne dira rien lors des publications de son vivant de ses œuvres complètes, en 1976 et 1980. David Alliot, qui de ses propres dires « aime fouiner, dans le bon sens du terme », est tombé sur l'évocation de ces poèmes au cours de ses recherches. Il a patiemment remonté le fil, car il «adore la face cachée des écrivains». Voyant que jusqu'à sa mort, Césaire n'y fera jamais allusion, il a intitulé ces textes « Poèmes reniés ». Ils n'avaient jamais encore été réunis dans une publication. Or, même s'ils y occupent un statut à part, très circonstanciel, « ils font partie de l'œuvre de Césaire ».
Cette édition ne sera accessible qu'à une poignée de privilégiés. Le livre a été tiré à 94 exemplaires hors commerce, sur un papier de luxe, pour les bibliophiles et il en coûtera tout de même 400 euros pour acquérir ces textes inédits.
http://bibliobs.nouvelobs.com/20100225/17978/quand-cesaire-chantait-staline
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