quinta-feira, 23 de dezembro de 2010

Hommage à Jacqueline de Romilly


L’académicienne Jacqueline de Romilly, auteur d’une œuvre de référence sur l’histoire, la langue et la civilisation grecque antique, s’est éteinte le 18 décembre à l’âge de 97 ans.

Noémie Sudre


Avant de devenir la principale figure de l’hellénisme en France, Jacqueline de Romilly (née Jacqueline David le 29 mars 1913 à Chartres) fut souvent la « première femme » : l'une des premières lauréates du concours général, quand il fut ouvert aux femmes, en 1930. La première femme professeur au Collège de France en 1973, la première femme élue à l’Académie des inscriptions et belles lettres en 1975... et la deuxième, après Marguerite Yourcenar, à revêtir l’habit vert des académiciens, en 1988. Depuis la mort de Claude Lévi-Strauss, elle en était d’ailleurs la doyenne.

Ce parcours exceptionnel fut suivi d’une œuvre à la hauteur. Une œuvre engagée : à travers ses études sur le monde hellénique, Jacqueline de Romilly a livré une défense pugnace de l’enseignement du grec ancien, nécessaire à ses yeux pour appréhender la démocratie. Notre collaborateur Pierre Assouline a réagi très promptement, sur son blog, à la nouvelle de cette disparition : «Ne jamais plier, ne jamais renoncer, ne jamais abandonner. Cette helléniste en colère avait une idée fixe et elle s’y est tenue durant toute la seconde moitié de sa vie jusque dans sa nuit au cours de sa dernière décennie : sauver les Humanités coûte que coûte. Marteler encore et encore dans tous les médias qui voudraient bien lui tendre un micro le principe selon lequel les langues anciennes étant le socle des idées contemporaines, pas seulement la démocratie mais le sens même de l’humain, tout honnête homme se doit d’en passer par elles». De son côté, son éditeur et ami Bernard de Fallois, a exprimé sa tristesse et son émotion : «Depuis longtemps elle était très malade, mais pour tous ses amis, c'est quand même un très grand choc. (…) Elle désarmait par son espèce d'autorité naturelle. Elle avait ce mélange de simplicité, de sérieux et de gaîté des grands professeurs». Hèlene Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuelle de l’Académie française, a quant à elle, rendu hommage à cette «femme qui a porté toute sa vie la langue et la culture grecques parce qu'elle considérait (...) que c'était une éducation (...) à la compréhension de la liberté de l'individu, de l'attachement à la démocratie».

«Avoir été juive sous l'Occupation, finir seule, presque aveugle, sans enfants et sans famille, est-ce vraiment sensationnel ? Mais ma vie de professeur a été, d'un bout à l'autre, celle que je souhaitais», livrait récemment la grande dame au Figaro. Une façon modeste d’évoquer une carrière exemplaire : reçue à l'École normale supérieure en 1933, elle obtient son agrégation de lettres moderne en 1936 et devient professeur de lycée à partir de 1939. Elle est ensuite nommée maître de conférences en 1949, puis professeur titulaire en 1951 à la faculté des lettres de Lille, avant de devenir professeur de langue et littérature grecques à la faculté des lettres de Paris de 1957 à 1973. Elle tient ensuite la chaire «La Grèce et la formation de la pensée morale et politique» de 1973 à 1984 au Collège de France.

Après son plaidoyer L'enseignement en détresse (éd. Julliard, 1984), elle fonde en 1992 une Association pour la sauvegarde des enseignements littéraires. «Je regrette que l'on n'œuvre pas suffisamment pour ce qui développe la formation de l'esprit par la culture, par les textes et l'intimité avec les grands auteurs, perdant ainsi un contact précieux avec ce que les autres ont pensé avant nous», estimait-elle.

En marge de ses recherches, Jacqueline de Romilly a fait paraître, aux éditions de Fallois, d’innombrables ouvrages qui évoquaient notamment l’histoire de Thucydide, les théâtres d’Eschyle et d’Euripide, et la guerre du Péloponnèse. Sa frénésie d’écriture ne s’est jamais apaisée : bien qu’atteinte de quasi cécité, elle a publié, depuis 2007, Dans le jardin des mots, Le sourire innombrable (en 2008), Les révélations de la mémoire (en 2009), et enfin La grandeur de l’homme au siècle de Périclès (en juin dernier). Ses Petites leçons sur le grec ancien, ont été récemment rééditées en livre de poche.

Un nouvel ouvrage de Jacqueline de Romilly, "encore tenu secret", selon Bernard De Fallois, sera publié courant 2011 et plusieurs de ses ouvrages dont le dernier, sont largement réimprimés dont le dernier à 10000 exemplaires.
Retenons l’un de ses préceptes : «La solitude, on peut aussi l'appeler liberté, il faut seulement, comme pour la liberté en général, savoir la vivre et en vivre».



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