Olivier Joyard
Une lumière noire
Ce dernier film appartient à sa veine la plus légère, sans que cela n´empêche la profondeur. Les Herbes Folles s´apparentent à une fantasie mettant en scène un homme (André Dussollier) rencontrant une femme (Sabine Azéma) dans d´étranges circonstances - un portefeuille a été volé, ils se parlent longuement au téléphone, finissent par se voir... Un jeu de séduction et bientôt de harcèlement burlesque semet en place entre récit qui s´autorise sans cesse coq-à-l´âne, digressions, glissades, roulements de tambour... Très vite, l´invention d´un univers parallèle par les moyens illusionnistes du cinéma emporte tout sur son passage. Cet art du XXe siècle, semble dire l´auteur de Hiroshima mon Amour, appartient d´abord à nos souvenirs. Reste à en profiter encore un peu. A les réactualiser. Nous voilà habitants du Resnais-monde et ses néons colorés pas si loin de Wong Kar-wai, sans cesse promenés entre des espaces abstraits, témoins de conversations où pointe, sous la surface joyeuse, une implacable mélancolie.
Car la lumière qui éclaire Les Herbes Folles est une lumière noire. Depuis toujours, le cinèma de Resnais conjure la mort en l´apprivoisant, en la rendant palpable, parfois avec une grande tristesse (Mélo, Coeurs) et parfois, comme ici, dans une allégresse parfaite, sans effort apparent. Au bout du chemin, cela donne un film absolument libre, voire un peu fou, mais jamais anachronique. Tel est l´exploit réussi par Resnais: faire un cinéma pour les années 2010, le plus contemporain qui soit, sans pour autant renoncer à ses visions personnelles, venues de la nuit de son être. Le privilège des anciens? Disons, le privilège des artistes.
Fonte: Numéro 108, novembro de 2009
A estréia de Les Herbes Folles na França estava prevista para 4 de novembro.
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