
Michel Gazier
L´Inde que décrit Selina Sen dans ce premier roman très abouti est celle des faubourgs de New Delhi et des émigrés du Bengale qui ont fui leur pays lors de la partition entre l´Inde et le Pakistan. Trois générations vivent sous un même toit. Les grands-parents - Dadu, le grand-père médecin perdu das le souvenir de son pays abandonné, et Dida, la lumineuse et malicieuse grand-mère - , leur fille Ma, veuve d´un militaire en poste dans l´Himalaya, et les deux petites-filles, Chhobi, l´intellectuelle, et Sonali, la belle. Ensemble, ils tentent de subsister dans l´Inde incertaine que vient de bouleverser l´assassinat d´Indira Gandhi.
Dans cette famille chahutée par l´histoire, meurtrie par le deuil, les femmes sont celles qui semblent s´adapter le mieux. Il faut survivre, se battre, avancer. Surtout lorsque deux filles au seuil de leur vie d´adulte doivent se faire une place dans cette societé aux codes complexes. Dida l´aïeule veille. Elle est fière de la beauté de Sonali, de sa légèreté, de cette aisance qui fait d´elle la jeune fille la plus remarqué et remarquable du voisinage. Sonali est son soleil. Mais Sonny, un fils de famille, beau parler et frimeur, vient brouiller les cartes. (..)
Au-delà du récit d´un amour frustré, d´une tragédie familiale et sous des dehors d´une troublante douceur, "Après la Mousson" raconte les histoires les plus terribles qui soient. Le déchirement de l´exil, la pauvreté, le mépris des castes dominantes, les trafics d´armes, les malversations financières, les violences politiques, tout est là dans les pages de cette histoire d´amour et de vengeance. En se focalisant sur le destin particulier d´une famille ordinaire, la romancière nous donne à voir le monde dans sa dureté.
L´un des charmes, et non des moindres, de ce roman tient à l´écriture fluide, sensible, de son auteure. Sen nous guide au coeur de cette cellule familiale et nous convie à sa table, dans son jardin, dans ses rêves et son quotidien. (...) Mais la fluidicité policée du style, l´apparente sérénité du ton, le parti pris esthétique d´un récit qui exalte l´harmonie des paysages, des jardins, des plats, des habits, n´éloignent jamais vraiment la réelle violence des situations. (...)
C´est aussi le courage des femmes dans ce pays en voie de modernisation qu´exalte le roman de Sen. Chhobi, entre tradition et ouverture, et Sonali, tournant le dos au passé, sont deux visages de l´Inde d´aujourd´hui.
Fonte: Le Monde Diplomatique, n. 669, dezembro de 2009
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