sábado, 30 de janeiro de 2010

Frankétienne, le plus Grand Écrivain Haïtien Contemporain

Alain Mabanckou

Pour celles et ceux qui ont suivi hier l'émission "La Grande librairie" sur France 5 consacrée à Haïti, la présence en "duplex" de l'écrivain Frankétienne aura été un des moments les plus forts. Cet homme est un écrivain "énaurme", un nobelisable de poids, une voix, une profondeur incommensurable. Auteur du chef-d'oeuvre Ultravocal (Ed. Hoebeke) et de L'oiseau Schizophone (Ed. Jean-Michel Place) entre autres, peintre de génie et poète inconditionnel, Frankétienne s'impose désormais comme le baobab des lettres haïtiennes. En l'écoutant durant notre émission je me suis souvenu de ma première rencontre avec lui le 7 janvier 2003 en Guyane - c'est Laferrière qui me l'avait alors présenté. Nous résidions à l'Amazonia. J'avais offert à Frankétienne un chapeau en toile. Récit :

Le Chapeau en Toile

Hôtel Amazonia à Cayenne. Frankétienne est debout dans le hall, un exemplaire de son livre Miraculeuse à la main. On aurait dit un annuaire téléphonique de New York. Ses livres sont ainsi : tentaculaires et vertigineux. La folie de la création. Dany Laferrière fait les présentations : Frankétienne, Haïtien, institution littéraire chez lui, a fait son premier voyage hors de son pays à l'âge de 51 ans. Même persécuté par les Duvalier et les tontons macoutes il n'a jamais quitté le pays. On discute. Il éclate de rire. Rapelle qu'il a vu Dany tout gamin. Orateur intarissable, il passe d'un sujet à l'autre avec une aisance qui me stupéfie. La littérature se conçoit en "spirales".

Le lendemain de cette rencontre, nous nous revoyons dans le hall. L'écrivain haïtien est tout frais, vêtu d'une belle chemise sur laquelle il a ajouté lui-même des motifs grâce à son talent de peintre. Il m'appelle "mon fils". Nous devons nous rendre sur les lieux du Salon du livre pour écouter sa conférence et procéder aux séances de signatures avec Raphaël Confiant, Rodney Saint-Eloy, Jean Bernabé, Gisèle Pineau et d'autres écrivains " américains ". L'Afrique était là, bien sûr : Ken Bugul, Florent Couao-Zotti, Yasmina Khadra... Nous sortons donc de l'hôtel. Frankétienne me parle toujours. Il pleut encore. Je lui prête mon chapeau en toile que j'ai rapporté des États-Unis. Et je lui dis de le garder. Une fois au salon, dans un des débats, l'écrivain haïtien rappelle ce don insignifiant. Une de chapeau.

Dans le stand d'Haïti Frankétienne semble somnoler. Il porte le chapeau bleu en toile. Je me dis que c'est cette image que je garderai de ce voyage en Guyane où j'ai croisé d'autres Amériques et un des écrivains les plus puissants de notre époque. Un visionnaire qui allait mettre en scène une pièce sur un cataclysme. Ironie du sort : un vrai cataclysme est survenu chez lui. Prémonitions ?

http://blackbazar.blogspot.com/2010/01/franketienne-le-plus-grand-ecrivain.html

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