Jean-Luc Mouton
Avouons-le, au risque de nous faire taxer de pessimiste impénitent, l’affaire grecque et les menaces qui pèsent sur l’avenir de l’Europe ne sont pas franchement rassurantes. La vieille Europe n’en finit pas de somnoler et de reculer, alors que le monde bouge à une vitesse folle et que les « émergeants » semblent, eux, croquer la vie à pleine dents. Les BRICS, pour Brésil, Russie, Inde, Chine et autres n’ont rien à voir avec nos PIGS européens (Portugal, Italie, Grèce, Spain). Les uns progressent et se développent, les autres sont aux prises avec les affres de l’endettement.
Une série allemande très intéressante sur Arte montre bien cette lassitude de l’Europe occidentale face au dynamisme fougueux, désordonné, et même mafieux sur les bords des immigrés russes. L’auteur conclu sans barguigner à la victoire finale de cette vie en abondance contre la mesure et les lassitudes des gens repus de l’Ouest.
Et c’est dans ce contexte que notre Parti socialiste lance son programme pour les années à venir. Trêve d’attitude partisane, personne ne peut nier qu’il se trouve dans les quelques propositions formulées par Moscovici, à la fois de la raison, de l’ambition et la volonté de bien faire. Ce qui frappe surtout est le nouvel esprit plutôt réaliste du PS. Plus de révolution prolétarienne, du réformisme ; plus de marxisme, de la social- démocratie ; plus de lendemains où l’on rase gratis, mais la juste conscience de l’endettement du pays et de l’étroitesse des marges de manœuvre… Pour ma part, c’est tout ce que je demande, réalisme, sérieux, vérité. « Prendre aux riches » ne semble plus la seule issue ; non qu’il ne faille pas les taxer plus, mais laisser croire que tout serait de la sorte possible comme par magie : le versement des retraites, l’équilibre de la sécu, celui des comptes publics… Tout cela semble bien fini. Et c’est tant mieux. C’est en tous cas la meilleure manière d’aborder les problèmes perpétuels qui planent sur ce pays.
Mais le plus souriant chez les socialistes vient de cette idée du « Care », le soin en anglais. L’idée est amusante car paradoxale, puisque tirée d’un contexte anglo-saxon où le « care » est l’affaire de tout un chacun… mais surtout pas de l’Etat ! Martine Aubry a bien pris soin de parler d’une société où l’Etat doit prendre soin de tous, mais chacun est invité aussi à prendre soin de l’ensemble.
L’idée est profondément sympathique, évangélique, même. Est-elle réaliste ? On ne saurait l’espérer avec facilité tant la société semble s’être endurcie, précarisée, laissée aux seules stratégies individuelles, pour ne pas dire furieusement égotiques ! Mais l’intuition est juste. Nous en avons marre de nous battre sans cesse, de lutter pour s’adapter, bouger, se nomadiser physiquement ou intellectuellement. Nous avons besoin d’apaisement et de repos au sens du sabbat biblique. D’être soigné et de soigner, certainement. Mais qui ne voit, dans le même temps, que l’on en revient ici à notre propos initial. La vieille Europe qui a besoin de soin et de repos, saura-t-elle demeurer avec ses valeurs, sa culture, son projet humaniste dans le monde qui vient. Et face aux BRICS qui s’avancent… ? Question.
Réforme
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