quarta-feira, 18 de agosto de 2010

Mohammed Aïssaoui salue l´Esclave Furcy...

Alain Mabanckou


Il faut se souvenir que juridiquement, pendant l’esclavage, le nègre n’était qu’un bien, un meuble au même titre que la commode ou les chaussures. Tous ceux qui ont étudié le « droit des biens » savent que le propriétaire d’un meuble a le pouvoir d’en user, d’en disposer comme bon lui semble. Il a l’usus, l’abusus et le fructus (le droit de le fructifier). On sait aussi que l’esclavage a été aboli en 1794 mais rétabli quelques années après, en 1804, par Bonaparte. Pourtant il faut “se méfier” d’un esclave qui a appris à lire et à écrire, donc à raisonner, à décortiquer les termes de la loi du maître. C’est ce que fit le téméraire esclave Furcy. Il a trente et un ans en 1817, dans l'île de la Réunion (alors île Bourbon) lorsqu'il décide d'aller au tribunal d'instance de Saint-Denis. Il s’adresse à un procureur pour qu’on reconnaisse son statut d’affranchi qu’on lui déniait et qui, de jure l’aurait libéré de l’esclavage. Le procureur (Gilbert Boucher) prêta l’oreille à cette requête téméraire et la trouva fondée en droit. L’Affaire se retrouva alors à la Cour, défrayant la chronique. Un meuble qui osait revendiquer son droit ? Du jamais vu !

Le procès traîna pendant presque trois décennies. Le pauvre procureur laissa des plumes tandis que l’esclavage et son aspect économique furent remis en cause grâce à cette requête. Après son succès, l’esclave Furcy voit l’effondrement de l’esclavage. Un homme dont la dimension historique ne pouvait passer inaperçu. C’est sans doute cet humanisme et la nécessité de placer l’individu au cœur de l’Histoire qui ont poussé Mohammed Aïssaoui à rendre hommage à cet être d’exception.

L’auteur de « l’Affaire de l’esclave Furcy » est journaliste littéraire au Figaro. Utilisant son flair d’écrivain, il a su nous retracer les faits en évitant les écueils de la compilation trop souvent visibles dans les ouvrages de ce genre. Pour lui, tout a été déclenché le 16 mars 2005, lorsque les archives de "l'Affaire" avaient été mises aux enchères, à Paris, à l'hôtel Drouot. Le public découvrait des lettres manuscrites, des comptes-rendus d'audience, des plaidoiries... Aïssaoui, qui était présent, ne s'est pas contenté de cette vente publique. Il a fouiné avec patience les dossiers de la BNF, les archives départementales de la Réunion, et son livre nous apparaît comme le roman de nos égarements et de notre aveuglement. Ici il y a la vie, la survie, la conviction que la liberté n’a pas de couleur. C’est finalement l’Histoire de notre humanité confisquée par une théorie d’échelles raciales. Un livre à lire de toute urgence en ces temps où on nous bourre les oreilles avec des théories extrêmes…







Mohammed Aïssaoui
Gallimard
de R$ 96,33
por R$ 67,43

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