Clementine Vaysse
Organisé par l'Ambassade de France, l'ANPOCS et le CENDOTEC, la venue de Pierre Ronsanvallon, accompagné du sociologue Bernard Lahire, s'inscrit dans la volonté d'enrichir le dialogue entre universitaires français et brésiliens. Diverses conférences sont organisées à São Paulo et à Rio, proposant une réflexion sur de nombreux thèmes d'actualité. Pierre Rosanvallon était déjà venu au Brésil présenter ses travaux, en compagnie de son ami et philosophe Claude Lefort, décédé début octobre. A l'occasion de sa venue, une édition spéciale d'un de ses textes a été publié en portugais, Por uma historia do politico.
Analyse de la Crise Actuelle du Politique en France
Interrogé sur l'actualité française, l'intellectuel français explique que, selon lui, le mouvement actuel n'est pas si exceptionnel mais que les crises de ce type se sont multipliées ces dernières années. Spécialiste de la démocratie, il ajoute que selon lui "les conditions pour une dramaturgie sociale, pour une montée des tensions à l'extrême sont en place". Il souligne également le "paradoxe du syndicalisme" en France qui, bien que rassemblant peu d’adhérents, reste très fortement institutionnalisé. Depuis les années 1980, selon lui, les syndicats sont perçus comme représentant les intérêts particuliers tandis que les élus représenteraient l'intérêt général. L'exaspération sociale répondrait à la rigidité politique, seul le pouvoir élu étant perçu comme détenteur d'une légitimité complète. Pour illustrer cela, Pierre Rosanvallon prend l'exemple des conseillers sociaux qui ont été mis hors circuit depuis quelque temps, phénomène inédit sous la Vème République. "Ce conflit est aussi l'expression d'une sorte de dérive démocratique", ajoute t-il, de nature à la fois politique, social et intellectuel.
Les Mutations Récentes de la Démocratie
Pierre Rosanvallon, en tant qu'historien et politologue, note également que le sens de l'élection a changé dans la société, "voter aujourd'hui c'est nommer quelqu'un". Si la légitimité découle du statut, elle n'apporte pas pour autant de légitimité d'action. Pierre Rosanvallon oppose ce qu'il nomme le "moment électoral" au "moment gouvernemental", deux phases qui ne nécessitent pas les mêmes qualités de la part de l'homme politique, créant des déphasages. Il aborde en outre le thème des candidats atypiques, en décalage avec les candidats d'antan qui faisaient preuve au contraire de charisme et de capacité. L'historien remarque que si ces candidats de dérision étaient déjà présents à la fin du XIXème siècle, ils ont tendance à se multiplier, incarnant en quelque sorte le "gouvernement des gens quelconques".
Lors d'une conférence tenue à l'USP, Pierre Rosanvallon a exposé son analyse des métamorphoses de la légitimité démocratique. Selon lui, elle fait partie, avec l'autorité et la confiance, des trois grandes institutions invisibles. Il explique ses mutations par trois grands facteurs, tout d'abord la discontinuité croissante du politique (personnalisation croissante du pouvoir, déclin des idéologies de partis), la révélation de la "fiction-majorité" (changement dans la notion de minorité) et enfin le changement de nature de l'élection. La solution à cette crise de la légitimité résiderait dans la mise en place d'institutions complémentaires, gardiennes de l'intérêt général, sous forme par exemple de commissions indépendantes. Mais cette mise en œuvre est complexe, devant allier généralité et prise en charge des particularismes. Pierre Rosanvallon conclut en expliquant que "plus la démocratie progresse, plus elle doit réfléchir sur elle-même", de l'importance de l'activité démocratique...
Le Petit Journal
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