quarta-feira, 9 de março de 2011

Tutti in Coro

Obras de Nancy Huston, Jean-François Labie e François Noudelmann revelam o opressivo, o libertador e o inusitado na Música

Na pesquisa sobre uma infanticida do século XVIII, a incômoda descoberta da anulação identitária. Na obsessiva perseguição à figura do Cristo, a busca pelo Kairós bíblico. No dedilhar alucinado de um instrumento, um modo de prática onanística. Três obras incríveis tendo como destaque a Música, com toda sua onipresença, carga ideológica, misérias e universo peculiar. Confira alguns trechos dos bouquins.



Instrument des Ténèbres
Nancy Huston
J´ai Lu


"Cerveau sombre et sinistre ce matin. Que suis-je censée apprendre d´un rêve pareil? La musique de Sonate de la Résurrection, elle aussi, menace à chaque instant de s´arrêter. Quelle est la note unique qui me reste? Et que diable veulent dire les tomates cerises? Oh, je ne veux pas le savoir, je ne veux pas le savoir, je ne suis pas violoniste...

Bon, d´accord, je suis violoniste. Le rêve veut-il dire que je cherche à prendre le relais d´Elisa?

C´est Schumann dont la folie a consisté en la ruine progressive de l´harmonie et de l´intervalle. A la fin, quand il n´entendait plus qu´une seule note résonner dans son crâne, LAAAAAAAAA à l´infini, il a demandé à être enfermé dans un asile.

Une note toute seule est déporvue de signification, donc innocente. Schumann cherchait-il à recouvrer son innocence? Le Paradis reconquis. (Derechef: la mono/tonie du Ciel. J´ai toujours trouvé Milton assommant.) Seul une intervalle, un accord, l´association de deux notes on plus peut être étrange, ou beau, ou perturbant. Voire: diabolique.

Ah! Je me demandais quand vous alliez y venir.

Oui. Le triton, intervalle de trois tons entiers, fut appelé pendant des siècles diabolus in musica, sous prétexte qu´il était instable. Le do est innocent, le fa dièse est innocent, mais rapprochez le do du fa diese et... horreur! damnation! péché! excommunication! L´accord du diable fut classé discordantia perfecta au XIIIe siècle, et son utilisation proscrite dans la musique liturgique. (Même bien plus tard, dans l´opéra romantique, il est systématiquement employé pour connoter la menace ou le mal. Mais je parie qu´il est omniprésent dans les compositions de Thelonius, Monk impie qu´il était!).

Mes parents étaient le diabolus in musica fait chair. Et moi, je suis le produit de cette dissonance. Scordatura. Sans doute. Sans blague."

(Instruments des Ténèbres, pages 183-184)



Le Visage du Christ dans
la Musique des XIXe et XXe Siècles
Jean-François Labie
Fayard


"Un halo de circonstances inimaginables, dignes du miracle, entoure la genèse et la création du Quatour, pour violon, violoncelle, clarinette et piano, composé en 1940, dans un temps d´horrible souffrance côtoyée et vécue par Messiaen lors de sa détention au camp de Görlitz en Silésie.

Une volonté à toute épreuve permit à Messiaen de trouver, entre les inéluctables corvées du Stalag, le temps et l´énergie de pratiquer son art. Jugé inoffensif, il avait été autorisé à jouir de certaines faveurs: bénéficier de crayons et de papier à musique, s´exercer sur un piano droit passablement vieilli et désaccordé. Il eut la chance de rencontrer, parmi ses camarades de captivité, des musiciens amateurs qui étaient, l´un, violoniste, et l´autre, clarinettiste, ainsi que le violoncelliste professionnel Étienne Pasquier. Pour la petite formation ainsi improvisée, il composa un Trio au caractère enlevé et billant qui deviendra Intermède, le quatrième mouvement du Quatour pour la fin du Temps. L´oeuvre fut créé dès le 15 janvier 1941, sous la neige, par un froid atroce, devant la totalité des cinq mille prisonniers et devant l´état-major allemand réuni au grand complet. On dispose de moyens de fortune: une corde manque au violoncelle, le piano tenu par Messiaen sonne faux et la mécanique des touches est plus qu´incertaine.

Messiaen avait réussi à faire précéder le concert d´une conférence sur l´Apocalypse de saint Jean. Plus tard, il écrivait: 'Au nom de l´Apocalypse, on a reproché à mon oeuvre son calme et son dépouillement. Mes détracteurs oublient que l´Apocalypse ne contient pas que des monstres et des cataclysmes: on y trouve aussi des silences d´adoration et de merveilleuses visions de paix. De plus, je n´ai jamais eu l´intention de faire une apocalypse: je suis parti d´une figure aimée (celle de l´Ange qui annonce la fin du Temps)... Mon Quatour comporte huit mouvements. Pourquoi? Sept est le monbre parfait, la création de six jours sanctifiée par le sabbat divin; le sept de ce repos se prolonge dans l´éternité et devient le huit de la lumière indéfectible, de l´inaltérable paix.' Et, parti de la figure de l´Ange, il arrive à celle du Christ: 'Si effroi il devrait y avoir, c´est celui que ferait naître la silhouette géante enrevue et le visage sévère du Pantocrator, du Christ en sa puissance.' Mais ce visage, Messiaen ne le voit jamais qu´auréolé de lumière.

Il nous faut revenir au titre même du Quatour. Ce qui est célébré ici, ce n´est pas la fin d´un temps de captivité, c´est la fin des notions de passé et d´avenir, c´est le commencement de l´eternité. L´Ange proclame: 'Il n´y aura plus de Temps.' Le Temps est ici chargé d´une intense signification spirituelle. Le Temps divise et sépare, tout comme le fait le Nombre."

(Le Visage du Christ dans la Musique des XIXe et XXe Siècles, pages 440-441)



Sartre, Nietzsche et Barthes au Piano
Francois Noudelmann
Gallimard - Blanche


"Il existe une communauté non déclarée des joueurs de piano. Elle ne se réunit pas en clubs comme celle des joueurs de tennis ou de bridge. La pratique du piano n´est pas une distraction qu´on partage à ses heures vides tuelles. À la différence d´un loisir, elle déborde sur le temps qu´on lui consacre et imprègne durablement l´existence, la façon de marcher ou de regarder. Cette communauté ne se reconnaît pas physiquement comme celle des Envahisseurs qui ne peuvent plier le petit doigt. Pourtant elle passe par le corps, étant entendu que le corps ne se résume pas au sensible, et que la musique ne s´adresse pas seulement aux oreilles car elle réquisitionne d´autres organes, d´autres facultés. Toucher, distance, déplacements, décalages configurent autant de styles divers que l´on peut référer, malgré leurs dissemblances, à la fréquentation d´un clavier. Dès qu´on tente de définir ces comportements, on court le risque de figer en langage une complicité fluide et volatile, mais le mot d´allure me paraît leur convenir: il désigne à la fois une façon de se déplacer dans l´espace, de tenir ses mains (le maintien), une conduite sociale, une aptitude à composer avec les rythmes, à régler sa vitesse. Bien, sûr, il rue, mais les pianistes peuvent se reconnaître para cette propension à combiner davantage ou différemment les allures. Communauté non orchestrée, sans véritable harmonie, elle se découvre plutôt à l´insu des ses membres. Un ami historien d´art, qui consacre pourtant toute sa réflexion aux images, me dit que le piano est ce qui comte le plus dans sa vie, et je comprends que ce qui nous lie tient peutêtre à cette pratique commune et pourtant séparée. C´est un petit paradoxe d´avoir en commun une réserve à l´égard de la communauté, une vie toujours un peu à côté qui empêche d´adhérer totalement aux rythmes collectifs, à leur cadence fusionelle. Je crois que la pratique du piano encourage de tels écarts, d´abord de manière factuelle par la musique qu´elle fait aimer, privilégiant un romantisme déssuet ou intimiste qui fut le moment de gloire pour cet instrument et qui est devenu étranger aux espaces sonores de notre époque."


(Le Toucher des Philosophes, pages 170-171)

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