segunda-feira, 26 de dezembro de 2011

A Morte de um Caixeiro Viajante



George Whitman, dono e animador da lendária livraria parisiense Shakespeare and Company, está morto. Salve Whitman! Testemunha do século XX, Whitman foi uma das personalidades mais marcantes da cena livresca (e literária) francesa. Pierre Assouline, em seu La République des Livres, legou ao livreiro uma bela homenagem. Confira o elogio aqui em nosso Livre Messager.



Le Libraire de "Shakespeare" salue la Compagnie



Pierre Assouline

 La mort d’un libraire vaut bien celle d’un commis voyageur ; et celui qui vient de refermer son dernier livre à 98 ans, sur la rive gauche de la Seine en face de Notre-Dame, est des rares qui trouvera certainement son Arthur Miller pour mettre sa vie en pièce. Il est vrai que George Whitman, sans lien de parenté avec le Whitman des poèmes de Feuilles d’herbe, était une légende vivante qui avait fait de sa librairie un mythe international. C’est peu dire qu’il l’incarnait ; d’ailleurs, il habitait au-dessus. La physionomie du bonhomme annonçait l’âme de son entreprise : bordélique, foisonnante, poussiéreuse, surprenante, et dotée d’un charme incontestable. Imaginez un capharnaüm de livres neufs et anciens en langue anglaise que l’on eut dit chu des pages d’un Dickens ; des volumes rangés dans un désordre approximatif, selon une logique qui défie aussi bien les lois de la bibliographie que celles de l’apesanteur.

C’est Shakespeare and Company, un antre d’où l’on ressort rarement les mains vides tant on est sûr d’y trouver ce que l’on n’y cherchait pas. Whitman se voulait l’héritier spirituel de la librairie du même nom fondée entre les deux guerres non loin de là, rue de l’Odéon, par Sylvia Beach ; en hommage et gratitude, même si l’on dispute encore la question de savoir si elle l’avait vraiment autorisé à en reprendre la prestigieuse enseigne, il a nommé sa fille, qui lui a succédé, Sylvia Beach Whitman. Lui-même ouvrit ses portes en 1951, trop tard pour révéler James Joyce, mais assez tôt pour y accueillir régulièrement Henry Miller, Anaïs Nin, Samuel Beckett, Allen Ginsberg, Lawrence Durrell, William Burroughs, James Baldwin, pour la plupart devenus des amis, ce dont ce romancier raté mais libraire accompli n’était pas peu fier. Il est vrai que, de sa librairie, il a su faire un lieu de rencontres unique en son genre ; le premier étage tout en recoins et passages étroits, qui ressemble au rez-de-chaussée regorgeant de livres du sol en plafond (claustrophobes s’abstenir), est en fait une bibliothèque, avec ses canapés pourris et son piano à peu près accordé ; les habitués y passent des journées à lire, bavarder, écouter de la musique ; certains empruntent des livres ; d’autres les volent (entre 10 et 15% de perte sèche) ; quelques uns dorment là, une nuit ou deux, une semaine ou plusieurs mois selon les humeurs. On les appelle « les résidents ».

En retour, le maître des lieux, tyrannique à ses heures, qui se disait humaniste et communiste à la manière dont d’autres se présentent comme contribuables et mobilisables, leur demandait d’avoir un projet d’écriture et de s’engager à lire un livre par jour, à aider au rangement des ouvrages et à écrire leur autobiographie en une page (la librairie en possède ainsi environ 20 000) ; il y a toujours entre deux et dix résidents à la librairie ; on se souvient qu’un poète y a même vécu sept ans… Refuge des lecteurs autant que des écrivains, des critiques que des poètes, sa librairie est devenue une institution ; elle n’a pas pour autant perdu son cachet romantique. George Whitman n’est plus mais sa générosité et son excentricité demeurent ; tout lecteur de bonne foi qui en franchit le seuil pour la première fois en est saisi. Rien ne devrait changer de ce qui fut : « Nous avons tout de même installé un système de vidéo surveillance, ce qui a permis de limiter les dégâts (George était d'accord). Nous préférons, dans une certaine mesure, être volés que d'altérer l'ambiance et la philosophie de la librairie. La très grande majorité des visiteurs et lecteurs sont honnêtes, et viennent pour les bonnes raisons » remarque David Delannet, co-gérant de la librairie.

La crémation de George Withman s'est déroulée jeudi après-midi au Père-Lachaise ; plus tard, il est prévu d’installer une sculpture de Don Quichotte sur sa tombe. Après des lectures de poèmes de son idole Walt Whitman et de lui-même tant qu’à faire, mais aussi de Dylan Thomas et Lawrence Ferlinghetti, la cérémonie des adieux s'est poursuivie jusque tard dans la soirée par l’hommage enflammé que les siens lui avaient préparé, à la librairie naturellement ; un peu de champagne, des brassées de poèmes, de la conversation. On y a probablement commenté la dernière initiative d’Amazon, une boutique qui vend aussi des livres, un peu comme Shakespeare and Company, mais dans un genre légèrement différent : ils ont demandé à leurs clients de se rendre dans une librairie de leur choix, d’y scanner avec leur téléphone portable muni d’une application spéciale le code-barre du livre qu’ils souhaitent acheter, de constater que l’offre en ligne est moins chère et de l’envoyer à Amazon qui se fait un plaisir en retour de leur offrir une ristourne supplémentaire. Ses managers (il n’y a pas de libraire dans la plus grande librairie du monde) voudraient-ils élever l’arrogance et le cynisme au rang d’un des beaux-arts qu’ils ne s’y prendraient pas autrement. Shakespeare, reviens vite nous tenir compagnie !

 
 
La République des Livres
 


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